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Alors que la grande et moyenne surface (GMS) symbolise les tensions économiques du pays, certains ne s’en laissent pas conter. Dans le segment des biscuits sucrés où la recherche de simplicité est redevenue la norme, Mère Poulard se distingue avec un packaging peu commun en GMS.
Pourquoi ce choix ? Quelles inspirations pour le nourrir ? Quel impact dans la gestion du sens ? Voyons-ça tout de suite.
Le refus du systématisme
Le pack classique en biscuiterie s’apparente à une projection biface sur un fond uniforme. Une zone de texte accolée à une photographie du produit. Et c’est à peu près tout, si on laisse de côté les variations typographiques et autres effets périphériques mineurs.
A l’inverse, une efflorescence saillante, une symétrie solide, un fond plein… La Mère Poulard ne fait décidemment pas dans la dentelle. Cette reconfiguration entraîne plusieurs conséquences.


La première c’est la redéfinition de l’avers du pack. Alors que le pack classique rendait un fond flottant, celui de La Mère Poulard considère le sien comme un support d’exposition.
Cette orientation artistique est concrétisée par l’inspiration Art Nouveau des arabesques. Ceux-ci venant circonscrire les 3 foyers d’énonciation distinct (symétrie de forme A-B-A). Une telle régularité et précision ne passe forcément pas inaperçu.
L’innovation cohérente
La caractéristique de l’Art Nouveau est d’avoir donné ses lettres de noblesses aux art « mineurs » comme l’affiche, la céramique ou la verrerie. La Mère Poulard serait donc une figure de proue pour instaurer un nouvel esthétique jusque dans nos rayons populaires ?
Ce n’est pas à exclure quand on constate que ces arborescences et autres courbes généreuses sont déjà à l’œuvre sur d’autres points de vente pour les même produits.

Car en effet, l’Art Nouveau c’est le refus de la conformité, du générique, de l’uniformité du motif. Quelle meilleure place alors pour se distinguer que la GMS ? C’est ici la seconde conséquence.
Ce n’est pas simplement un branding d’effet, bien qu’il soit très efficace. C’est surtout une manière d’importer des valeurs – à travers l’esthétique – qui fonde la cohérence de la marque. La picturalité c’est une chose, mais ça ne fait pas tout.
Et quand on sait que les sujets d’inspiration de l’Art Nouveau sont la femme, la flore et le monde marin, souvenons-nous, s’il en était besoin, que la Mère Poulard est d’origine normande.
C’est donc là que s’étend l’authenticité, dans cette invocation de la publicité d’affiche, du dessin typique de la Belle Epoque. Et qui de mieux qu’une grand-mère pour nous la proposer ?
Osez imposer
C’est la troisième conséquence de ce changement. Si le pack change de profondeur, il change sa fonction. S’il change de fonction, il réifie les éléments qu’il supporte.
Avec la Mère Poulard, le pack s’efface au profit de l’investissement artistique. Il n’est plus un entre-deux, un fond vert sur lequel on dispose artificiellement le texte et la photo du produit. Il n’y a plus de scène flottante dans laquelle on dispose les éléments.
Désormais, la matérialité du pack se dissout dans l’arrière fond pictural. Il y a seulement la surface – matérielle devenant picturale – sur laquelle on a « peint » : l’impression faite est celle d’un objet qu’on a tiré de l’atelier (autre espace vecteur d’authenticité par excellence) sur lequel on a disposé une inspiration artistique.
La cohérence de l’innovation
Ce changement, non content de flatter les yeux, est une audace salutaire. Dans un circuit parfois trop catchy, l’affirmation d’une appartenance à un style aussi resserré et sa réalisation jusqu’au-boutiste est une preuve d’un courage certain, stimulant nécessaire à la créativité ; qui ne saurait se départir de cohérence.
C’est d’ailleurs cela qu’il faudrait retenir avant tout. Le design ne se justifie pas par une préférence a priori, il est le résultat d’une recherche précise et éclairée, que son importation dans un secteur ne vient pas réprimer mais bien au contraire renforcer.