« It’s aliiive ! » Mascotte de marque : Histoire et récit (2/3)

PARTIE 2 – Biologie

6 minutes

  1. Humain, trop humain ?
  2. Approvisionnement vs Compétence
  3. Connotation intégrative
  4. L’ancrage avant tout

Le premier article de ce dossier sur la mascotte de marque contenait 3 apprentissages :

  • La mascotte est une création définie en fonction d’un objectif particulier, dans un espace d’expression délimité excluant certains faux jumeaux (logo, personnage télé, etc.)
  • L’origine du mythe perdure dans la mascotte lorsque celle-ci recueille la part d’imprévisibilité qui la constitue comme porte-bonheur : la chance « tourne », il faut en profiter au maximum.
  • De là, elle en récupère une fonction de porte-bonheur qui protège ou nourrit la marque. Son existence n’est pas identique à la marque.

L’objectif de ce deuxième volet est de mettre à jour les types de mascotte qui composent l’univers. La finalité étant bien sûr de permettre un choix plus facile pour les annonceurs. On sous-entend donc qu’il existe une catégorie de mascotte différente pour chaque secteur. Ce que l’on s’attachera à démontrer grâce au carré sémiotique.

La méthode, toujours sémiotique, se base sur une recherche documentaire. D’où l’on déduira 2 traits caractéristiques des mascottes : le corps (l’extériorité) et l’essence (l’intériorité).

Un élément central permet de situer le début de l’analyse. Toutes les mascottes s’agrègent autour de l’anthropomorphisme (qui est un anthropocentrisme). C’est-à-dire sur la plus ou moins grande ressemblance avec l’humain. On ne s’étonnera donc pas de voir des détournements extensifs ou intensifs sur les qualités humaines.

Humain, trop humain ?

La première distinction assez évidente est celle entre humains et animaux. On peut contester ce choix d’un point de vue naturaliste mais on ne s’y arrêtera pas par soucis de concision.

Lapin, chat, hérisson… Les éléments de la catégorie Animaux s’apparentent souvent à des peluches et cherchent à susciter de l’attendrissement. On caractérisera leur essence comme « naturelle », tandis que leur corps est « non-humain ».

Opposition de base pour une mascotte de marque

Un humain a une essence dite « naturelle », il appartient au monde des organismes vivants. Un clown appartient à la classe des humains, bien qu’il puisse être sous-catégorisé sociologiquement dans une certaine classe plus précise.

Cette existence vit dans un corps, lui aussi « naturel », bien que grimé. En partant de là et en vérifiant la pertinence issue du corpus, on peut étendre le premier des subcontraires du carré sémiotique par la relation de contradiction.

Carré sémiotique à 3 pôles

La nouvelle catégorie contradictoire à celle Humaine est définie par des occurrences dont les corps sont non-humains et dont l’essence n’est pas d’origine naturelle. Leur corporéité est le produit ou la substance du produit de la marque (un bonbon, une pâte ou des pneus) dans lequel on a instigué la vie.

Elles ne sont ni humaines, ni animales. Ces mascottes ne rentrent dans aucune catégorie biologique issue du monde vivant. Elles sont ce que l’on peut appeler – pour l’exercice – des créatures : elles ne sont ni naturelles ni humaines.

La relation de complémentarité qui lie la catégorie Créature à l’Animal s’entend au sens où leur corps est non-humain. En revanche, elles se différencient par leur nature : la seconde appartient au monde des organismes « naturels », la première non.

La dernière catégorie du carré sémiotique est celle des Monstres. On peut concevoir que ces deux dernières soient assez proches. Cependant, les créatures sont davantage d’origines surnaturelles, tandis que les monstres sont plus proches de l’humanité.

Carré sémiotique complet

Les monstres recouvrent une grande variété d’espèce, plus ou moins rattachés au monde biologique naturel. Dans le langage courant, quelqu’un ou quelque chose de monstrueux possède des qualités (mélioratives ou péjoratives) étonnamment extensives, déraisonnables.

Les mascottes appartenant à cette catégorie ont donc des propriétés qui rappellent leur humanité, sans y être rattachées. Elles possèdent une apparence quasi humaine, mais en sont détachées par une particularité grossière.

Voilà le carré constitué. Comment le rendre opérationnel dans une stratégie de marque ?

Approvisionnement vs Compétence

Lorsque les mascottes sont des monstres ou des créatures, elles sont souvent l’incarnation du produit ou la source d’approvisionnement que l’entreprise transforme (pour Oasis : les fruits, sur le plan du discours tout du moins).

Et cela n’a rien d’étonnant, puisque leur existence est intimement liée à la volonté d’un créateur, qui fusionne les éléments (cf. Frankenstein) pour créer une entité nouvelle.

Elles appuient donc un discours où l’origine, l’approvisionnement et la transformation sont des rôles clés de l’entreprise. Les entreprises du secteur alimentaire en font souvent partie, sans en être l’exclusivité.

À l’inverse, lorsque les mascottes sont des humains ou des animaux, elles prennent l’apparence d’un agent doté de compétence. Elles justifient leur existence par leur place (leur fonction) dans le système biologique dont elles sont issues.

Mascotte de marque Les Furets

Elles incarnent un métier ou une vocation : commercial, cuisinier, moine… L’importance repose sur la fiabilité, l’expertise du professionnel. Ce type de mascotte appartient davantage au secteur des services.

Connotation intégrative

Ces fonctions sont relayées par connotation. Tous les animaux possèdent leur propre connotation, plus ou moins fondée et influencée par des productions artistiques et scientifiques.

Ces connotations « prennent vie » pour renvoyer à ce que leur existence dans le monde vivant suppose d’elles : le rationnement pour l’écureuil, l’hibernation de l’ours ou la vision perçante de la chouette.

Mascotte de marque Butagaz

Mais ces aptitudes ne « deviennent » des compétences qu’à partir du moment où elles sont intégrées au secteur de marque. En effet, le rationnement devient la métaphore de l’épargne bancaire (Caisse d’Epargne), l’hibernation celle du confort du chauffage au gaz (Butagaz), la vision perçante celle du discernement pour le choix d’un hôtel (Trip Advisor).

L’ancrage avant tout

En conclusion, on voit donc 2 grands ensembles de mascotte, chacun possédant une spécificité en fonction de ce qui est à promulguer. Celles biologiques, caractérisant une fonction, tournées vers le réel. Celles difformes, représentant une matière, tournées vers l’imaginaire.

L’une n’est pas meilleure que l’autre. Le résultat, aussi rebutant soit-il, n’est pas l’important. On peut créer toute sorte de mascotte à condition d’entretenir un rapport culturalisé, d’ancrage, autant que cette culture souhaite éloigner sa création de ce qui est raisonnable de manifester, mais qui soit malgré tout reconnaissable pour la cible.

Ce qui importe, ce n’est pas la matérialité de la mascotte de marque ni sa spécificité, c’est le rapport que cette matérialité conditionne entre son créateur et le bénéfice éprouvé à l’intérieur d’un système de signification.



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