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- Le rapport à la catégorie
- Le texte
- L’iconicité
- 3 critères pour un design efficace
- Le picto dans la page de vente
- Le reflet de votre monde intérieur
L’utilisation de pictogramme est devenue indispensable aujourd’hui en marketing digital. En combinaison avec le texte, celui-ci s’insère facilement dans les landings pages, les menus ou sous menus. Il apporte de la variété.
Mais n’en devient-il pas futile parfois ? caricatural souvent ? Comment éviter de tomber dans la surenchère ?
En parcourant les landings pages, on remarque que son dessin part souvent dans tous les sens, multiplie les traits, les couleurs et les formes. Au final, il altère l’argument qu’il tente d’illustrer.
Dans les cas les plus difficiles, il est décliné dans un service, un bénéfice ou une action de l’entreprise. Celui-ci souvent très spécialisé et digitalisé, donc difficile à rendre concret.
Une revue de certaines règles peut éviter aux marques et créateur de contenu de perdre en cohérence, efficacité et pertinence. Il semblait alors intéressant de créer un petit guide pratique, sous forme d’article, pour une meilleur utilisation des pictogrammes.
Le rapport à la catégorie
L’utilisation des pictogrammes de nos jours est issu d’un reliquat de l’émergence de l’écriture il y a des milliers d’années. Il est utilisé pour transmettre un message non-linguistique. Il a fonction d’instruction pour la lecture du système dans lequel il fait office de relais. Le picto doit donc être compréhensible rapidement, quasi immédiatement.
Une utilisation bancale des pictogrammes consiste la plupart du temps à négliger la pertinence entre son design et la catégorie pour lequel il est utilisé.
Prenons un exemple tiré d’un site. La phrase : « aller plus loin que le cahier des charges » associé à un pictogramme représentant un trèfle à quatre-feuilles.

Ici le problème est celui de la cohérence entre l’affirmation de la phrase et la signification du picto. D’un côté un texte nous dit « nous faisons des efforts supplémentaires » et de l’autre le picto nous dit « chance ».
Ces deux messages n’ont pas de concordance, ils ne manifestent pas de synergie. Ou alors, dans le pire des cas, on comprendra : « si vous avez de la chance, nous ferons des efforts supplémentaires »
Comment palier à cette ingérence et trouver le picto adapté ? Il est nécessaire d’abord de savoir précisément ce que vous souhaitez affirmer.
Le texte
Pour cadrer votre argument, posez vous ces 3 questions :
1 – Quelle est la valeur à promulguer ?
Le goût de l’effort ? La flexibilité ? La bénédiction des Dieux ?
2 – Quel est le thème de l’action ?
L’organisation de l’entreprise ? La méthode ? L’accompagnement ?
3 – Quel est le bénéfice final ?
La fiabilité des résultats ? La confiance ? L’efficacité ?
Si l’on reprend notre exemple, la réponse à la première question pourrait être : le dépassement, la détermination, se surpasser… Vous avez là déjà des mots-clés pour votre requête dans la recherche de picto. L’astuce se trouve dans ce que l’on nomme en sémiotique le niveau axiologique, le niveau le plus souterrain à la mise en forme du langage.
Mais si ce n’est toujours pas satisfaisant, continuez avec la deuxième question : Le thème. Il est donné dans cet exemple par la proposition « cahier des charges ». On pense alors à : gestion, projet, développement, etc.
Enfin, toujours avec le même exemple, la 3ème question concerne le bénéfice final. Il se traduit – côté client – par « des attentes au-delà des espérances », « une qualité de service inégalée », etc.
Mais bémol, ces descriptions sont trop longues pour être des mots-clés. On peut donc de nouveau rechercher le niveau axiologique : un éblouissement pour la première proposition, un dévouement pour la seconde.
Prudence toutefois avec le niveau axiologique. En effet il conceptualise la requête, là où le picto doit signifier immédiatement et universellement, donc sans réflexion.
Pour éviter de faire du picto une représentation abstraite, pensez à ce que l’action ajoute, soustrait ou modifie à l’état initial… bref sur les termes et les opérations de ces termes.

Si vous avez encore des difficultés pour choisir vos pictos, posez-vous la question de ce que vous cherchez à affirmer et de la précision de votre propos.
Lorsque votre texte sera précis et concis, l’universalisme du picto montrera à votre cible que vous êtes capable de faire le lien entre micro efforts, spécialisation du service et compréhension générale que vous avez de vos actions.
Plus l’utilisation de vos pictogrammes est ajustée, plus il témoigne de votre capacité à regarder vos actions avec un regard conceptuel et critique.
L’iconicité
Une fois la pertinence avec le texte établie, la question est de savoir si l’utilisation des pictogrammes est pertinente, compréhensible en soi. Pour cela il faut se baser sur le concept d’iconicité.
L’iconicité désigne les propriétés sensibles d’un objet qui rendent cet objet reconnaissable. Le dessin d’un verre est son icône. C’est donc les traits saillants de l’objet définissant son identité.
Un « picto » est compréhensible parce qu’il est iconique. C’est donc sa capacité à généraliser, à véhiculer un message universel.
Trop souvent certains sont confus, retord, abstrait à l’excès. Pour pallier à ces écueils, le picto doit être d’une part suffisamment global, général, c’est-à-dire qui englobe sa catégorie. Et d’autre part, suffisamment universel, c’est-à-dire dont le signe est commun au plus grand nombre (un soleil, une maison, une flèche…).
Le point essentiel à retenir, c’est que l’universalisme du pictogramme est toujours fonction du stock de connaissance a priori qu’il suppose chez son visionneur. Le système de l’écriture chinoise pour un européen est impénétrable, car il ne possède pas le code de lecture requis pour comprendre des idéogrammes. Ces stocks sont donc variables selon les publics.
Vous pouvez choisir de conserver un pictogramme diversifié en agrégeant différentes icones entre elles1. La roue crantée et l’ampoule par exemple, que l’on peut interprété comme processus + idée, donc par synthèse, réflexion et solution.

Dans ce cas, ayez à l’esprit que vous obligerez le lecteur à faire un travail interprétatif pour qu’il comprenne le picto. Le picto ne donnant pas de message immédiat.
Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose. Tout dépend de ce que la marque prévoit comme objectif de communication, donc de la connaissance de sa cible et de sa qualification.
3 critères pour un design efficace
- Réfléchissez avant de multiplier les foyers de l’énonciation. Plusieurs formes agrégées entre elles reviennent à dessiner une scène. Le picto devient une composition, donc une image. Vous n’avez donc plus besoin de pictogramme.
Un dilemme se présente : soit votre idée est trop spécialisée et il vous faut la simplifier et/ou la préciser, soit vous devez simplifier votre picto.
- Vous arriverez dans la même impasse si votre picto insère une profondeur de champ, un relief ou des ombres. Il est question ici de « platitude » de lecture. Si vous insérez ces variations, votre picto perd en « neutralité » ce qu’il gagne en style ; il gagne en ouverture ce qu’il perd en iconicité autrement dit en universalisme et en autorité.
- Enfin, les détails intérieurs et extérieurs au foyer de l’énonciation sont à proscrire. Si l’on se base sur les principes de la Gestalt, ils empêchent la lecture accomplie du signe. La couleur est elle aussi un risque, car elle transgresse la supériorité du trait sur le fond, du vide sur le plein, au sens où le trait permet de séparer deux vides.
Le picto dans la page de vente
La construction d’une page de vente a besoin de picto pour aérer la lecture. Lorsque vient le moment de convaincre, les arguments de marque doivent, avant même la lecture du contenu, faire sentir la logique de leur construction.
Les colonnes qui en sont l’architecture sont un prérequis. Et les pictos en sont des catalyseurs : à la fois comme dynamiseurs de la lecture, car ils flattent l’œil et la compréhension. A la fois comme temporisateur, en tant que relâchement et ouverture de la lecture.

Mais le picto ne doit pas devenir le sujet principal du discours, le picto n’est pas la star. Il est un ancrage conceptuel. C’est un relais et un facilitateur pour la compréhension.
Sa fonction est de représenter métaphoriquement la façon de penser de l’entreprise, sa capacité de catégorisation et de représentation. Cette médiatisation de la logique par une utilisation des pictogrammes est un reflet de la logique interne de l’entreprise.
La manière de représenter est une manière de penser. Sémiotiquement parlant, on dira que l’énonciation est une modalisation.
Pour réussir cette métaphore du discours dans le contexte de la page de vente, l’objectif est d’accumuler les synergies :
- Synergie d’abord entre les bénéfices énumérés, idéalement au nombre de 3. Mais prudence encore, trop de proximité entre les bénéfices construirait une répétition, trop d’éloignement une dissension.
- Synergie ensuite entre les pictos qui doivent relever de la même famille. D’une part concernant le design et de l’autre concernant son contenu, l’un ne pouvant être descriptif et l’autre symbolique ce qui aboutirait sur une discordance du propos.
- Synergie enfin entre les relations picto-texte pour chaque bénéfice qui concerne ici le niveau d’universalisme.
En additionnant ces synergies, vous donnez toutes les chances à vos pictogrammes de participer à une plus grande efficacité de la page de vente.
Le reflet de votre monde intérieur
Au final, l’utilisation des pictogrammes ne doit pas chercher à dire plus que ce pour quoi il est utilisé. Il ne peut pas représenter fidèlement ce que le texte décrit comme bénéfice. A l’inverse, il se doit cependant de conserver une attache conceptuelle avec l’idée, qu’il doit servir en se faisant oublier.
En suggérant un code de lecture, le pictogramme sert d’ancrage pour relier le général et le particulier. Et qui dit code dit convention, donc le postulat d’une connaissance, d’une licence pour sa compréhension. Le picto transforme le spectateur en lecteur, le profane en initié.
Avoir des pictos efficaces, le discours de marque devient un discours conscient des conventions de sens nécessaire au transcodage2 entre texte et écriture. C’est apporter une culture littéraire, presque archéologique comme dirait Foucault.
C’est aussi et surtout, pour la marque, une preuve de la maîtrise des codes de production du discours, sachant découper les univers et les répertorier. En multipliant les découpages sémantiques avec précision tout en conservant un fil directeur, la marque bâtît l’univocité de son discours et avec elle la maîtrise de sa cohérence.